mercredi 21 novembre 2007

Travailler En France: Galère

Le monde du travail en France vous inspire ?
Je vais vous livrer mon expérience personnelle en tant qu'immigrant. Je souhaite vous faire partager mon vecu et celui de bien d'autres immigrants en France. Tout d'abord, il faut savoir qu'étudier en France ne vous permet pas systèmatiquement d'avoir le droit d'y travailler. Il faut que vous effectuez une démarche de "changement de statut": passez du statut d'étudiant étranger au statut de travailleur étranger!!. Une commission etudiera votre dossier et se prononcera sur ce qu'elle juge être meilleur pour vous. Deux cas peuvent survenir: Devenir réellement salarié CDI ou ... rentrer au bled. Non, vous ne pouvez pas redevenir étudiant.
La carte de resident, l'équivalent à peu près de la carte verte et du statut "resident permanent" au Canada, ne s'obtient pas automatiquement. C'est au bon vouloir de l'administration, il paraît qu'il faut croiser les doigts entre 5 et 10 ans pour que vous ayez la chance de l'obtenir. Le changement de statut dure entre 3 et 6 mois selon les préféctures, parfois le temps de faire la demande et vous êtes déja obligé de demander le renouvellement ...

La recherche de travail
Les annonces en France sont parfois- presque toutes classées par ...diplôme ou plus précisemment par nombre d'années d'etudes effectuées après le bac. Bac+1,bac+2, bac+5. Si vous n'avez pas le bac, passez votre chemin. Inversemment aucune annonce avec bac-1, bac-2, ...Le CAP (Certificat d'aptitude professionel, bac -3 s'il vous plaît) vous ouvre les portes vers "certains" métiers. Ne les sous estimons pas, nous avons tous besoin d'eux...
En clair, le corporatisme est de mise en France. Souvent, si vous êtes "Centralien" et surtout si vous avez un nom à particules, on vous embauche d'abord, on en parle après... j'ai vu plusieurs fois le cas.

L'entretien.
La priorité, c'est le costume pour les hommes (et de bonne facture si possible) et un tailleur pour les femmes. Une jeune femme qui s'est presentée à un entretien d'embauche pour être "Femme de Menage", en jean n'a pas été embauchée, mais il paraît que ce n'etait pas à cause du jean, quoique...peut être l'accent?

Très souvent, c'est le service RH qui vous reçoit en premier et qui prend la décision. L'opérationnel (celui qui connait le métier et qui va travailler avec vous) ne peut que donner son opinion. Généralement, c'est le début de la discorde entre l'operationnel et le RH (celui qui a pris la décision de vous embaucher). Il est possible que vous soyez embauché en tant que "Chef comptable" alors que vous avez juste effectué quelques analyses de bilan durant votre parcours d'études et peut être même que votre rêve est de devenir chimiste. Le hic, c'est que vous avez eu le malheur d'effectuer "une grande école" et c'est ce qui a attiré l'oeil du RH. J'ai rien contre les grandes écoles, ce n'est pas de leur faute d'ailleurs, mais parfois c'est hallucinant.

L'ambiance au bureau.
Le bonjour.
Les hommes tendent la main, les femmes se font la bise. Comme il y a trop de monde, vous faites exprès d'oublier quelques uns. En fait, il ne faut pas les oublier, il suffit de revenir une heure après et dire "Je ne t'ai pas vu ce matin, non?"
Le retard.
A votre arrivée, très souvent vers ...11H (ou cas isolé des fonctionnaires?), vous vous excusez auprès de votre responsable que vous avez eu un "leger" problème de transport. Il vous repondra que lui aussi a eu "un petit souci" ce matin, après il note discrètement dans son minuscule cahier que vous etiez en retard.
Si vous repetez une nouvelle fois, il ne discutera plus avec vous, mais en parlera à tout le monde...sauf à vous bien sûr. Parfois vous aurez droit à une espèce de grand armoire à balai qu'on appelle communément "Le placard". En clair, vous n'aurez plus rien à faire si ce n'est rediger votre lettre de démission ou appelez votre avocat pour les reprocher de "ne pas vouloir vous donner du travail".
Le café.
En France, dans une journée officiellement de 8H (officieusement 6H ou 14H mais les 2H en moins ou 6H en plus ne sont pas comptabilisé), on prend généralement 4 fois le "café", 2 le matin : en arrivant et vers 10H30-11H, 2 l'après midi, juste après un grand dejeuner, et 1 vers 4 h de l'après-midi. Le "café", c'est la pause en fait qui dure entre 10 minutes et 1 heure. On est censé boire du café fort et en proposer aux autres, et discuter de la vie quotidienne, tout en se forçant à être en contradiction avec son interlocuteur. Autrement, la discussion ne dure pas suffisamment longtemps.
Le travail.
Très souvent, le but du jeu, c'est de discréditer l'autre service. Relever leurs points faibles et les rapporter auprès des décideurs. Le décideur décide souvent de dissoudre le service en question, à moins qu'il décide de dissoudre le vôtre ! L'autre service a dégainé plus vite que vous ne le pensiez. Trop tard! Vous êtes incompétent! Vous n'avez pas rendu le rapport de 22759 pages en 24H ! Il fallait refuser ! Si vous l'avez fait, vous serez mieux apprécié.
Pause dejeuner.
La pause déjeuner dure 1 heure environ avec une marge d'erreur de ...1H. En réalité, c'est 2H.
Très souvent, on essaie toutes sortes de cuisine du monde entier puis au bout de 5 jours d'essai, on se rejoigne toujours à la brasserie du coin qui fait "des bons steacks tartares". Personnellement, je deteste. Les Africains preferent souvent le Kebab ou le Chinois du coin, souvent moins cher et plus copieux. Carnivore que nous sommes
Les reunions.
Les salles de réunion permettent de renforcer les attaques les plus virulentes contre "l'autre service". Souvent, il est décidé que celui qui a le moins parlé, ou celui qui n'a pas été présent, va payer pour les autres.
Le retour chez soi.
Le retour chez soi dépend ...des autres. Si personne ne quitte le bureau vers 19H, vous n'avez pas intérêt à le quitter en premier. Le petit cahier est là pour vous le rappeler. Si le chef a décidé de quitter le bureau à 16H "pour aller chercher ses enfants" (très souvent il va en entretien d'embauche), souvent le bureau est vide vers 17H. Parfois, le chef revient vers 17H30 et vous envoie un mail depuis chez lui vers 22H qu'il y a quelques choses à faire d'urgence pour le lendemain matin avant 10H.

Alors, ça vous dit toujours de travailler à Andafy?

17 commentaires:

Anonyme a dit…

izay tokoa andafy !
Mais quand meme celui qui quitte son pays natal - pour aller vivre à andafy par tous les moyens - y reste!
Surtout s'il a eu la grande chance d'etre parti, et que bien sur, il n'a pas un Papa de grosse taille qui lui pretera main forte chez lui si, à bout de souffle, il décide de rentrer;... genre ikalamako quoi! hihihi

Unknown a dit…

je dirais même plus "vivre en france quelle galère"

je dis ça paske je le pense hein!! mais aussi parce que je suis solidaire avec vous les copains, allez allez courage

tomavana a dit…

Ne rien faire et être payé quand même ... le rêve en barre de milliers de compatriotes ;)

Courage, les vacances de Noël c'est dans 4 semaines.

Vola a dit…

Bah moi j'aime bien bosser en Andafy. Et je me retrouve pas dans toute ta description (sauf pr le démarrage à 11h ;)) ça doit dépendre du domaine).

Et je ne suis pas systématiquement contre les grèves.
Mais celle-là dure un peu trop à mon goût...

Ikalakely a dit…

ikalamako> fa naninona indriko angaha tafiditra tao anatin'ilay "placard" dia nody? lainga lainga aloha r'Ikala fa raha qualité de vie dia any Dago no tsara an (trano ngeza be tena ngez be, ny sakafo bio, ny havana akaiky, ny fety misy foana sady ambiansy kilalaka) fa izaho aloha mahita fa leo daholo ny olona miasa eto frantsa e, à un moment donné!!!

Raha misy manana expérience any Dago izao dia c'est la bienvenue,

Ikalakely a dit…

jogany> il me semble que any an-dafy d'andafy est encore meilleur, je sais qu'un jour j'y gouterrai!!!

Ikalakely a dit…

tomavana> yesss, efa manao guirlande sy sapin de noel mihitsy izao ny kamovavy fa efa reraka!

Misaotra manampy tosika e,
C'est comment en Suisse au fait?

Ikalakely a dit…

vola> tu dois donc être dans le domaine que tu aimes mais vraiment vraiment à fond quoi!!!
Le problème tu sais, pour les malgaches qui quittent le pays à l'âge de 18 ans c'est qu'ils sont perdus, aucune orientation!! nada
La plupart s'inscrivent dans les facs pour pouvoir s'installer en France sans vraiment connaitre la finalité de ces études. C'est le problème majeur des jeunes qui viennent ici- ceux qui partent pour les States (et les pays anglophones) sont plus motivés et plus ouverts (parce que trop loin de Mada, moins d'influence, plus de bourses)
Du coup ici on se permet de faire des petits boulots à vie ou des boulots pour s'en sortir!

Rajiosy a dit…

bizarre mais j'ai l'impression que ceux que je côtoie à Paris même ceux qui font de soi-disants "petits boulots" ont l'air de bien s'en sortir ! et mieux encore ceux qui ont fait de bonnes études - ny malagasy io an d'où qu'ils viennent. en plus, ça a l'air de bosser comme des malades ! à moins qu'il ne s'agisse que de mon... ghetto ???

Anonyme a dit…

Merci pour la description ! ... oui "ca me dit toujours de travailler a Andafy".

M'exprimer en francais n'est plus du gateau pour moi et regarder les american movies en version francaise est loin d'etre mon plat prefere. Je sais bien que decrocher un good job la bas serait une tache (relativement) difficile vu que je maitrise meme pas le "mais ou et donc or ni car" de la langue francaise. Selon votre description aussi, y mener la belle vie ne va peut-etre se realiser que dans mes reves ... en couleur ! mais c'est exactement pour tout ca que je veux y mettre les pieds. Travailler a "Andafy", pour moi, est plus un challenge et experience qu'une chasse aux "$ Europeens". Apres tout, je dois bien me trouver une occupation, de quoi depenser mon temps avant le fameux 40aine ... l'age de construire la super maison de mes reves (hi hi hi).

Ah la la, peuple ... composer ce petit commentaire a vraiment ete une demi-heure de calvere, hi hi hi.

Anonyme a dit…

Comme dit Ikalakely, c'est une expérience personnelle.

Dans mon entourage (alors qu'on se trouve dans un endroit assez retiré), les gens travaillent vraiment.

La politique de recrutement n'est pas la même pour toutes les entreprises. Il y a des RH français inefficaces comme il existe aussi des RH canadiens inefficaces.

En France, la durée du travail est réglementée. Et on ne met pas facilement une personne dehors. Devant le CPH, souvent le salarié gagne ... Le boss n'est jamais seul maître à bord. Tout doit être négocié. Et à chaque décision, les patrons doivent toujours être en mesure de prouver (si besoin est) qu'ils n'ont pas eu un comportement discriminatoire.

Dans le monde du travail, tout est aussi dans la loi de l'offre et de la demande. Parfois, le meilleur ne gagne pas, mais parfois seulement ... Comme partout ailleurs

Anonyme a dit…

Je dirai que ça dépend, d'après mes expériences: dans le Sud-Ouest, ils sont professionnels, ouverts et conscencieux.
Dans le Nord-Est, et je précise dans la région hors de "France, le pays", c'est l'incarnation du manque de compétence, de l'auto-suffisance, du culte de la médiocrité, et de la masturbation intellectuelle (à défaut d'autre chose).

Donc à Andafy, choisissez accessoirement aussi la bonne région!

Tomavana répondra sûrement de manière plus complète, mais le paradis c'est la Suisse où les maîtres mots sont: pragmatisme et humilité, où les sites des entreprises communiquent sur l'égalité, condamnant la discrimination.

Anonyme a dit…

Il faut se méfier des généralités. Chaque région a aussi sa propre culture.Dire que telle ou telle région "incarne" le manque de compétence, c'est commze si l'on admettait qu'il y a des gens qui naissent idiots car ils sont nés ou vivent dans telle ou telle région. C'est un peu réducteur.

La Suisse est certainement un pays où il fait beau vivre mais sauf erreur de ma part, en France,on condamne aussi la discrimination et il y a plus d'un site qui parle de l'égalité.

Il n'existe pas de pays ou de région où c'est soit tout beau ou soit tout laid. Il faut tenir compte aussi de l'adéquation de ses propres aspirations avec le milieu choisi, de sa propre personnalité pour choisir où vivre,des ses facultés d'adaptation...

Ikalakely a dit…

@tous> merci de votre contribution. Il s'agit d'un temoignage personnel expressement exagéré;) Histoire de contribuer un peu à l'humour.
Oui, effectivement on ne commence pas toujours à 11h et on travaille réellement ici.Et les collègues sont parfois sympas.
Par contre, le placard est beaucoup plus fréquent que le licenciement, et on en trouve dans la majorité des grandes entreprises.
Certes, la qualité de vie d'un travailleur est beaucoup plus enviable par rapport à d'autres pays.Sauf que, je ne suis pas persuadée que ça soit un modèle économique viable à long terme.

tomavana a dit…

>quid de la suisse ?

Longtemps le marché du travail suisse était protégé et extremement régulé, actuellement les conséquences de la libre circulation européenne [dont la Suisse est signataire même si elle ne fait pas partie de l'Europe] sur le marché du travail se font ressentir : les nouveaux migrants sont prêts à travailler à des conditions au "rabais".

Alors oui, il y a de tout aussi en Suisse du bon comme du moins bon. Mais Tattum voulais sans doute parler de Genève et l'arc Lémanique [services, banques, luxes et haute-horlogeries, siège de multi-nationales, ...] dont et il est vrai que du point de vue du frontalier [habite en France ou Allemagne mais travaille en Suisse] la comparaison est flagrante.

Plus généralement, la région est aussi le berceau de la culture protestante calviniste qui sont à l'origine du certains courants humanitaires dont le plus symbolique est "la croix-rouge". Paradoxallement le droit du travail est très libéral (comparé à la France).

Non, tout n'est pas rose non plus, au pays d'Henri Dunant, mais il y a sans doute pire ;)

Anonyme a dit…

hhhh J'ai bien aimé le ton de ton post. Bizarrement, j'arrive pas à voir la typologie locale là où je suis. Peut-être qu'il me faudrait plus de temps.... Anyway

Anonyme a dit…

Tagila> de la part d'un gasy, le fait de conclure que manque de compétence, soit peut mieux faire, soit de suite assimilé à traiter les gens de bêtes ou d'idiots.
Voilà exactement la raison pour laquelle il est si difficile de travailler entre Malagasy, nul n'a encore trouvé la manière comment on peut apporter une critique objective sur un travail fourni sans donner l'impression à la personne qu'on l'insulte ou on le rabaisse. Complimenter et caresser dans le sens des poils en toute circonstance, juste pour faire universellement conciliant, n'a jamais aidé.

Comme tu dis, c'est culturel.C'est peut-être pour cela qu'ils parlent de frontière, à l'Est de la frontière, le sens de la qualité est différente avec tout ce que j'ai vu d'autre en France. Et par qualité, j'entends à l'aide d'indicateurs vérifiables et surtout mesurables.

Sinon, ça se saurait s'il était envisable de comparer la France et la Suisse en matière de lutte contre la discrimination! Ca reviendrait à avancer que la France se préoccupe autant de son environnement que la Suède, la Norvège ou la Finlance... ce n'est pas faux qu'elle se préoccupe de son environnement, mais de là à atteindre les avancés dans les pays nordiques, y a de la marge!

Et je ne parle même pas de la discrimination par rapport aux étrangers, je m'arrête à la parité homme/femme.